Les enjeux de l’intelligence économique dans le contexte tunisien : Rôle de la veille dans la gestion de crise
De nos jours, de multiples menaces auxquelles nous n’étions pas habitués apparaissent, que ce soit au niveau, de la concurrence, des développements technologiques de l’influence géopolitique ainsi que de la sécurité nationale,
Toutefois, l’analyse de son environnement, la vision de son devenir et les moyens pour y parvenir ont fait l’objet de recherches, de méthodes et souvent d’outils.
Notamment l’intelligence économique (IE) s’impose en tant que solution qui regroupe à la fois l’activité de veille, de gestion du patrimoine informationnel et de sécurité de l’information.
Dans ce cadre l’appui de l’état en tant que soutien à la pratique de l’IE revêt une grande importance pour la mise en place de tels dispositifs et ceci doit impérativement se faire par un engagement de ce dernier et une formulation par une politique publique adaptée.
Cette politique aura un double objectif : Protéger les entreprises d’une part des aléas et risques du marché, et des risques d’apparition de crises (attitude défensive), et d’autre part promouvoir l’adoption et l’adhésion de ces entreprises aux processus d’IE pour pouvoir anticiper, se développer sur le marché et saisir les opportunités d’affaires (attitude offensive). Ceci leur permettra de maintenir leur état de veille face aux turbulences de l’environnement.
Toutefois, comme tout processus, la mise en place de l’IE doit se baser sur une infrastructure technologique adaptée. Si l’approche technique et l’approche basée sur les composants de l’infrastructure sont concentrées sur les éléments, l’approche axée sur les processus intègre des processus et des activités basées sur ces mêmes composants. Le processus correspond à des services informatiques partagés et fournis par l’infrastructure technologique ; il comprend un éventail de capacités de gestion et de capacités physiques. Donc une infrastructure technologique adéquate à la pratique de l’IE serait incontournable.
Cependant, en guise de réflexion aux enjeux de l’IE dans le contexte africain dont la Tunisie fait partie, il nous semble judicieux de faire émerger plusieurs modèles africains vu les disparités (économiques, culturelles, sociales,…) entre les différents pays, tout en bénéficiant de la pratique de l’IE pour collaborer ensemble et faciliter les échanges, ce qui permettra de relever les défis en proposant des solutions concrètes inspirés des pays leaders en IE, mais adaptés à leurs besoins et en tenant compte du contexte et des réalités locales (moyens, ressources, compétences, culture….).
En effet, le contexte tunisien présente des difficultés et des freins majeurs à l’implantation d’initiatives d’IE, notamment le manque de fiabilité et de pertinence des sources d’informations officielles, le déficit d’infrastructures, causé par une carence structurelle en terme de sécurité des accès à l’information et de sécurité des données, et le manque de spécialistes dans ce genre de discipline. De plus, ce contexte est généralement marqué par l’importance des réseaux humains avec une forte tradition orale, d’où une dépendance aux agences internationales qui sont les seules à produire de l’information visible et facilement accessible sur le continent.
Donc la Tunisie doit relever le défi qui s’impose à elle aujourd’hui, en essayant de produire et diffuser une connaissance endogène, produite et maîtrisée par des professionnels de l’information à l’échelle locale. Nous mettons l’accent sur l’importance que cet enjeu représente, et de la nécessité d’en tenir compte si l’on veut réussir à se défendre contre le monopole de la gestion et du contrôle de l’information de certains pays et organisations internationales.
En effet, il est clair donc que l’avenir est désormais, à celui qui maitrise l’information (stratégique, commerciale, technologique, environnementale,…) lui permettant de mettre en place des stratégies efficientes et de maitriser l’information sur les environnements des affaires, les marchés aussi bien nationaux qu’internationaux et l’anticipation des menaces, tels que les crises.
Nous pouvons citer comme exemples les deux leaders numériques mondiaux que sont la chine et les États-Unis. Ceux-ci dominent et envahissent le monde de l’information à plusieurs niveaux. Nous recommandons donc fortement de créer ses propres modèles de gestion de l’information et de collaborer avec certains pays européens pour revoir ses intérêts et développer un modèle tunisien d’IE qui soit adapté à nos ressources et à nos besoins. Ce dernier pourra s’inspirer de ce qui se fait dans les autres continents tout en étant basé sur les cultures informationnelles tunisiennes
Dans cette mouvance les entreprises tunisiennes n’ont pas de tradition confirmée de valorisation des ressources et échanges informationnels ou de gestion de leurs patrimoines informationnels pour mieux se projeter sur les marchés internationaux. Les administrations aussi sont très cloisonnées et continuent de fonctionner en centralisant l’information au niveau stratégique, ce qui minimise l’échange informationnel entre les différents services d’une même organisation.
Dans cet ordre d’idées, il serait nécessaire pour développer le contexte socio-économique tunisien de passer par la formalisation des processus administratifs et organisationnels pour collecter et capitaliser les corpus informationnels et de les diffuser aux bonne personnes aux moments voulus, autrement dit les mettre à la disposition des décideurs pour optimiser la prise de décision
La sensibilisation de tous les acteurs économiques et politiques à ce type d’initiatives s’impose donc pour continuer à favoriser une prise de conscience globale, permettant de faire de l’IE un levier de développement de l’économie tunisienne, tout en poursuivant les objectifs stratégiques du pays et en soutenant ses entreprises vers l’acquisition d’un avantage compétitif. Par exemple l’IE serait d’un grand apport à la Tunisie pour stimuler la compétitivité de ses entreprises en développant la réseautique et les pôles de compétitivité.
Dans cette optique, se trouver en situation de crise est forcément très contraignant pour la vie de l’entreprise et de ses collaborateurs. Cette période de pandémie et de confinement risque d’être dévastatrice pour certaines entreprises, en mettant en péril les relations de cette dernière avec ses partenaires, ses clients et ses fournisseurs et risque même de mettre fin à tous les projets entamés auparavant
Dans ce genre de situation de crise plusieurs méthodes et démarches sont déployées par les entreprises, chacun avec ses moyens. Seulement la plupart du temps on constate des moyens curatifs et non anticipatifs, et donc ne cherchent pas à détecter le fond du problème.
Comment faire donc pour anticiper ces crises ? Comment éteindre le feu avant même qu’il ne se déclaré ?
Aujourd’hui une entreprise dotée d’un bon outil de veille professionnel peut surveiller tous types d’informations : analyse du marché et de ses acteurs clés, détection d’innovations, suivi des évolutions réglementaires, maîtrise de son territoire, contrôle de sa réputation, etc.
De nos jours, la diversité des sources, le phénomène BigData, et le caractère éphémère et instantané de l’information font que les professionnels essayent de se doter des meilleurs outils possibles de veille pour surveiller tout type d’information (contrôler sa réputation, maitriser son territoire, évolutions réglementaires, innovations technologiques, nouvelles opportunités d’affaires, …).
Toutefois il est à souligner que l’immédiateté de l’information, ou l’obtention de l’information à temps pourrait sauver une situation de crise. Je cite à titre d’exemple : « Un client qui a activé la surveillance des Tweets dont les sources se situent autour de son usine. En voyage dans un pays étranger, il a constaté que plusieurs publications mentionnaient un début d’incendie à son usine. Il a alors pu prévenir les pompiers qui n’avaient pas été avertis. Il s’est ainsi épargner des frais et des dommages irréversibles pour ses locaux. Au lieu de souffrir d’un trop large accès à l’Information, un processus de veille bien établi vous permettra de recouper différentes sources immédiates pour convertir une donnée en une information pertinente et exploitable à temps ».
Donc les outils utilisés dans un processus de veille concourent à identifier et traiter les informations délicates de manière efficace, et ce, dès leur apparition.
Toutefois, ceci ne peut donner des résultats efficaces sans une “intelligence collective”, qui fait ses preuves et donne une valeur ajoutée encore plus lorsqu’il s’agit pour l’entreprise de se trouver dans une situation de crise. C’est aussi à ça que la veille doit répondre, mettre en commun l’information dans le but d’agir profitablement ensemble.
Dans ce contexte, les plateformes de consultation ont un grand rôle à jouer dans la gestion de situation sensible telle que la crise que nous vivons actuellement et permet de déclencher les actions appropriées dans les meilleurs délais et d’instaurer une réponse quasi-immédiate à la problématique rencontrée.
Il faut signaler que dans cette situation de crise que vit notre pays, nous avons besoin d’une synergie de compétences entre nos experts, non pas uniquement ceux du domaine médical, mais aussi de la sociologie, de l’économie, de la sécurité et des professionnels de l’information et des méga données (BigData) pour pouvoir affronter cette épidémie avec une stratégie commune et une démarche adaptées à notre contexte tunisien.
En guise de solutions dans ce contexte de crise, nous pouvons proposer quelques solutions qui seront détaillées dans les prochains articles tels que l’e-learning, le télétravail, l’enseignement à distance, l’e-gouvernance,….etc
Dr. Fatma TURKI CHICHTI
Présidente de l’ATVIC – Experte en Intelligence économique